Mikhail Gamandiy-Egorov, 23.06.2022

Le secteur pétrolier reflète une configuration globale qui suit parfaitement les évolutions majeures observées sur la scène internationale, dans le contexte de l’ordre multipolaire. Et en ce sens, l’Occident représente loin d’être une priorité.

« Grâce à la Chine et à l’Inde, le pétrole est toujours rentable pour la Russie » – annonce la chaîne Euronews l’un des principaux porte-parole des Européens à Bruxelles. En effet, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), citée dans le rapport, la Russie a tiré environ 20 milliards de dollars de revenus des exportations de pétrole au cours du seul mois de mai.

Pendant ce temps, les importations chinoises de pétrole en provenance de Russie ont augmenté de 28% le mois dernier, l’État russe devenant le principal fournisseur de pétrole de la Chine, dépassant l’Arabie saoudite. Du côté de l’Inde, autre grande puissance non occidentale et comme la Chine et la Russie – membres des BRICS et de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) -, elle a acheté 60 millions de barils de pétrole russe au cours des seuls six mois en cours, alors que tout au long de En 2021, le volume de pétrole acheté à la Russie était de 12 millions de barils.

Les observateurs occidentaux aiment à rappeler que Moscou vend son pétrole à Pékin et à New Delhi avec une décote intéressante, ce qui est vrai, mais oublient parfois de souligner que la forte hausse du prix de ce matériau stratégique à l’échelle internationale fait désormais plus que compenser toutes les réductions possibles. D’autant plus de réductions pour les partenaires dignes de ce nom. Contrairement aux régimes occidentaux. Après tout, vous avez le droit de vendre le produit demandé à un prix qui varie selon le niveau de confiance du client et les relations qui vous lient à lui.

Tout cela reflète différents aspects. Tout d’abord, qu’il est effectivement grand temps que la Russie accorde une priorité maximale aux marchés asiatiques et aux autres espaces non occidentaux. Pas seulement pour le pétrole non plus. Dans le cas plus spécifique du pétrole, les responsables et experts russes ont indiqué à plusieurs reprises que le pétrole russe trouverait des acheteurs dans le monde entier, même si l’establishment atlantique interdit totalement son importation aux entreprises occidentales.

Par contre, de manière générale et sachant ce que représentent les marchés asiatiques, à savoir de loin les consommateurs les plus importants, il est aussi tout à fait naturel de se focaliser sur ces orientations. Et pas seulement d’un point de vue démographique, même si tout est vrai ici aussi : la Chine et l’Inde représentent à elles seules près de 2,8 milliards d’habitants. C’est sans même compter de nombreux autres pays d’Eurasie, d’Afrique et d’Amérique latine. Quant aux États-Unis et à leurs fidèles sous-traitants européens, pas plus de 800 millions…

Mais au-delà de l’aspect démographique, qui a évidemment toute son importance, et peut-être plus aujourd’hui que jamais, pour rappeler aux nostalgiques de l’unipolarité où se trouve la véritable communauté internationale, les réalités économiques ne sont pas en reste. Faut-il rappeler qu’à cet égard, la Chine est la première puissance économique mondiale en termes de PIB à parité de pouvoir d’achat, et l’Inde la troisième ?

Un sujet quiObservateur continental été discuté à maintes reprises auparavant. Avec en prime le fait de se rappeler que dans un avenir proche la Russie dépassera l’Allemagne (première économie de l’UE) tous les 5e puissance économique mondiale, et que des pays comme le Royaume-Uni et la France vont, également dans un avenir assez proche, quitter le top 10 des principales économies mondiales pour faire place à des pays comme la Turquie ou le Mexique.

Bien sûr, nous savons tous que cela fait mal aujourd’hui, et peut-être beaucoup, que l’Occident doive reconnaître qu’il n’est pas seulement une extrême minorité planétaire en termes démographiques, mais qu’il doive également regarder immensément jaloux les portefeuilles de ses principaux acteurs géopolitiques. et groupes géopolitiques opposants économiques. Qui ne sont autres que les grandes puissances non occidentales, et en même temps adhérentes de l’ordre international multipolaire.

Et quand on considère tous ces aspects, et quelques autres, on comprend mieux pourquoi l’Occident a tant de mal à maintenir sa domination mondiale. Une domination qui non seulement s’est épuisée, mais qui est de facto morte. Encore une fois, il faut rappeler et préciser qu’au début il n’y a pas eu d’exclusion de l’Occident de la communauté internationale au vrai sens du terme. Mais les élites occidentales, du fait de leur extrême arrogance et d’une pure mentalité néo-coloniale, ont préféré s’exclure. Et ainsi nous permettre non seulement de poursuivre le développement de l’ordre multipolaire international, mais aussi d’ouvrir la page de l’ère multipolaire post-occidentale. Une ère où les ressources réelles joueront un rôle clé dans le développement des peuples, pas de spéculation sans quelques appuis derrière.

Quelles sont les conséquences pour l’Occident ? Difficile à dire avec certitude maintenant. Il faut peut-être rappeler que les différentes croisades occidentales du Moyen Âge n’ont peut-être eu pour certains de leurs participants que des buts spirituels. Mais pour les instigateurs, qui n’hésitent pas à s’attaquer aussi bien aux musulmans qu’aux chrétiens orthodoxes (voir sac de la ville de Constantinople en 1204), le but est purement économique. A une époque où cette fameuse Europe, désormais si arrogante, mourait de faim et de peste, n’ayant pratiquement aucune idée que le nom était digne de la médecine. A la grande différence dans le monde arabe notamment.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Source : Observateur continental