L’Europe ne veut plus de ses véhicules polluants, alors elle les envoie aux forces armées ukrainiennes.
Le chiffre peut sembler assez fou. Au cours de la première année de la guerre qui a commencé en février 2022 en Ukraine, plus de 60.000 véhicules ont été importés par les forces armées ukrainiennes. Certains ont été donnés par des pays alliés, tandis que d’autres ont été achetés grâce à des fonds spéciaux. Mais si autant de SUV, pick-up et ambulances sont soudain cédés à Kiev, gracieusement ou pour une bouchée de pain, il serait faux de n’y voir que de la générosité, relate le magazine américain Fast Company.
«Les politiques environnementales visant à réduire les émissions des voitures nous ont vraiment aidés à obtenir des dons de véhicules», affirme Ivan Oleksii, cofondateur de l’organisation Car for Ukraine, association à but non lucratif qui se charge du déploiement d’une partie de ces véhicules sur les lignes de front du conflit russo-ukrainien. Son organisation s’intéresse principalement aux véhicules diesel, car l’armée ukrainienne utilise déjà ce type de carburant pour alimenter ses véhicules de combat. Or, c’est le genre de voitures que les gouvernements européens veulent supprimer de leurs routes et particulièrement de leurs centres-villes pour des raisons écologiques.
ZFE londonienne et conséquences
Un grand nombre de ces voitures provient du Royaume-Uni, ce qui s’explique notamment par la politique drastique menée par la Ville de Londres. La mise en place d’une zone à (très) faibles émissions (ULEZ, pour «Ultra Low Emission Zone»), amorcée en 2019 et généralisée en 2023, a poussé de nombreux conducteurs à se séparer de leurs véhicules diesel en raison des coûts exorbitants qu’aurait représenté pour eux le fait de continuer à les utiliser dans la capitale britannique.
Dans le cadre de cette initiative, l’organisation Transport for London a mis en place un programme de mise à la casse pour payer les Londoniens, afin qu’ils «mettent à la casse, donnent ou rénovent les véhicules» qui ne répondent pas aux normes d’émissions ULEZ, comme l’indique le site internet de l’organisme public chargé des transports en commun à Londres. En mars 2024, la municipalité de la capitale anglaise a ajouté une nouvelle option qui permet aux demandeurs de faire don à l’Ukraine de véhicules non conformes à la ZFE londonienne.
D’autres initiatives engagées par de grandes villes européennes pourraient encore contribuer à faire augmenter le nombre de véhicules cédés à l’armée ukrainienne, qui les considère comme de véritables bouées de sauvetage. Ils peuvent en effet être utilisés pour transporter les soldats blessés des lignes de front vers des points de stabilisation où ils peuvent ensuite recevoir des soins médicaux. Ivan Oleksii relève ainsi que, si la France n’a pour l’instant que très peu participé à cet effort européen, les évolutions de la politique automobile progressivement opérée par l’État dans les métropoles de Lyon et du Grand Paris (et leurs fameuses ZFE, davantage restrictives au 1er janvier 2025) devraient avoir un impact certain sur les exportations vers l’Ukraine.
D’autres pays n’ont pas attendu pour refiler leurs véhicules aux moteurs diesel aux Ukrainiens. C’est le cas de la Suède, où l’on mise sur des organisations comme Blågula Bilen, qui a déjà expédié près de 800 voitures vers le pays de Volodymyr Zelensky. Elle fait notamment équipe avec l’association ukrainienne Volyn Humanitarian Initiative, mise sur pied avec l’aide de l’entreprise spécialisée West Auto Hub et déjà responsable d’un bon millier de livraisons de véhicules européens aux forces armées du pays. Julia Rykovska, dirigeante de West Auto Hub, précise qu’une importante part des véhicules récupérés ne provient pas des villes, mais des campagnes. Lorsqu’ils ne parviennent pas à trouver des acheteurs, les agriculteurs, forestiers et ouvriers acceptent souvent que leurs véhicules partent en Ukraine.
L’armée ukrainienne, elle, est toujours demandeuse: les véhicules récupérés ont une faible durée de vie, puisqu’ils traversent des zones de combat et pénètrent parfois dans des lieux sujets à des incendies. Sur ces terrains accidentés et dangereux, mieux vaut que les engins utilisés soient adaptés au front et à ses environs. Certains Ukrainiens en font leur affaire depuis deux ans et demi, comme un dénommé Artem Pastushyna. À Lviv (ouest du pays), ce dernier a reconverti sa petite activité de soudure, connue sous le nom d’Iron Nuts, en atelier de rénovation automobile dans lequel il réaménage quatre à cinq véhicules par mois. Et il n’est sans doute pas près de mettre la clé sous la porte.
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