Start-ups : la science explique pourquoi les investisseurs financent tout et n’importe quoi

Peut-être vous souvenez-vous de la débâcle de la start-up WeWork, co-fondée par Adam Neumann ? Il est resté gravé dans les mémoires à cause des pertes monstrueuses et expresses que son créateur a infligées à ses investisseurs à l’automne 2019.

Malgré cette casserole très lourde, l’entrepreneur est une nouvelle fois sur le devant de la scène avec un projet pour lequel il a déjà reçu pas moins de 350 millions de dollars de fonds (environ 345 millions d’euros).

Il faut donc croire que dans la « start-up nation » les investissements consacrés à un projet dépendent moins du potentiel commercial de ce dernier que des capacités de communication de son créateur. Parce que pour obtenir de l’argent, les entrepreneurs de la Silicon Valley doivent faire une présentation, ce qui dans l’industrie s’appelle un « pitch ».

Business Insider a passé en revue plusieurs études qui aident à comprendre ce qui distingue un bon pitch d’un mauvais. Spoiler alert : les données purement économiques, comme la taille du marché, ne jouent qu’un rôle minime dans la décision d’investir.

Zenia Kish est professeur à l’Université de Tulsa (Oklahoma). Elle explique qu’un pitch est une mise en scène et que le plus important est d’inspirer confiance aux investisseurs potentiels.

« C’est l’une des choses qui nous a le plus fasciné au cours de nos recherches : à quel point la personnalité et le charisme ont été délibérément mis en avant. »Le fait est que plus on apprécie le charisme d’une personne et la confiance qu’elle inspire, moins on s’attarde sur la réalité des chiffres.

Beauté, genre et passion

Mais alors quels sont les facteurs qui font que quelqu’un est suivi aveuglément ? En 2008, le chercheur Colin Clark a demandé à vingt-quatre investisseurs d’évaluer les pitchs de trois entrepreneurs et de déterminer ce qui les avait convaincus.

Il s’est avéré que les données économiques n’avaient pratiquement aucun poids, mais que c’était, entre autres, le style et l’aisance de l’entrepreneur qui les avaient séduits. Et que le principal critère pour eux était sa « passion ».

Selon Clay Spinuzzi, professeur de rhétorique à l’Université du Texas à Austin, c’est un piège. « Exécuter la passion est la clé d’un pitch réussi. C’est un problème car un orateur nerveux aura moins de succès dans cette performance.il explique.

De plus, il semble que le meilleur moment pour montrer que vous êtes passionné par votre sujet soit lors du Q&A, qui vient juste après la présentation du projet. Encore faut-il que les questions posées permettent de montrer sa passion à son public. Malheureusement, tout le monde ne se pose pas les mêmes questions, car le sexe est ici un facteur discriminant.

Dana Kanze, chercheuse à la London Business School, explique que les investisseurs ont tendance à poser aux hommes des questions de « promotion » – sur l’avenir du projet. En revanche, ils sont plus nombreux à poser aux femmes des questions de « prévention », par exemple sur les moyens d’éviter les pertes en capital.

L’homosexualité joue aussi un rôle, c’est-à-dire soutenir principalement des personnes qui nous ressemblent, donc dans le cas des investisseurs, des hommes blancs.

Ce n’est pas le seul biais sexiste : les investisseurs sont généralement moins susceptibles de miser sur le projet d’une personne présentant des traits et des comportements dits « féminins », quel que soit son sexe.

La recherche montre également qu’une « voix masculine » est plus susceptible d’inspirer confiance et que l’apparence physique compte également beaucoup. Il semble donc que pour obtenir un financement dans la Silicon Valley, il suffit d’être un homme blanc, séduisant si possible, et la moitié de la bataille est faite.