Les insectes pollinisateurs sont menacés partout dans le monde à cause des humains. La moindre des choses est donc de mettre notre technologie à leur service.
Non, ce n’est pas Albert Einstein qui a dit un jour: «Si les abeilles disparaissaient de la surface du globe, l’humanité n’aurait plus que quatre années à vivre.» Mais c’est peut-être quelqu’un de bien informé quand même. Et si, dans le doute, on choyait les abeilles, en mettant par exemple l’intelligence artificielle (IA) au service d’une apiculture durable, avec des projets comme ceux que nous présente Horizon, le magazine de la recherche et de l’innovation de l’Union européenne (UE).
Depuis 2019, treize pays européens ont joint leurs forces pour développer des projets destinés à protéger les ruches et permettre aux populations d’abeilles de se développer. Ces programmes, notamment B-Good et Hiveopolis, misent sur la collecte de données, l’IA et même la robotique pour améliorer la vie de ces insectes pollinisateurs. Ils ont d’ailleurs été reconduits jusqu’en 2027.
Le projet B-Good consiste à équiper les ruches de capteurs. Les informations permettent à l’apiculteur d’être informé par une notification sur son smartphone d’une anomalie chez ses protégées et d’intervenir rapidement. «Il s’avère que le poids est un bon indicateur de la capacité d’une colonie à survivre à l’hiver, explique Dirk de Graaf, chef du laboratoire d’entomologie moléculaire et de pathologie apicole de l’université de Gand (nord-ouest de la Belgique). Grâce à notre technologie, nous pouvons désormais identifier les colonies qui ont besoin d’une intervention.»
Ces informations –la température, le poids de la ruche ou l’activité des abeilles– permettent surtout d’alimenter une base de données colossale (en 2021, on comptait 615.000 apiculteurs au sein de l’UE). Au travers d’une étude menée sur 400 exploitations, les chercheurs essaient de déterminer les paramètres les plus déterminants quant au comportement des abeilles. L’objectif est de prévoir comment une ruche réagira à certains changements d’environnement. C’est très bien tout ça, nous direz-vous, mais ça manque de robots.
Des abeilles-robots dansantes
Avant de devenir prix Nobel de physiologie ou médecine en 1973, l’éthologue autrichien Karl von Frisch avait identifié des récurrences dans la danse des abeilles qu’il assimile à un langage. Ces différentes danses, ainsi que l’angle des corps des insectes, permettent d’indiquer à la communauté où se trouvent les réserves de nourriture: une «danse en rond» si c’est suffisamment près pour être perçu à l’odeur, une «danse frétillante» pour envoyer les plus courageuses dans une certaine direction par rapport au soleil, etc.
Cette théorie, qui rencontrait encore un peu de scepticisme en 1927, inspire aujourd’hui l’équipe de Tim Landgraf, professeur d’intelligence artificielle et collective à l’université libre de Berlin (Freie Universität Berlin), dans le cadre du projet Hiveopolis. Ces chercheurs travaillent sur un robot dansant baptisé «RoboBee» (ils ne se sont pas foulés pour les noms), capable de guider les abeilles vers des sites de butinage sûrs et de les éloigner des zones dangereuses, telles que les sites contaminés par des pesticides.
Les abeilles sont une espèce essentielle à la pollinisation des plantes sauvages. Le nombre de pollinisateurs en Europe et dans le monde diminue rapidement en raison du changement climatique, de la destruction des habitats et de l’utilisation de pesticides. On estime qu’en Europe, un tiers des espèces d’abeilles, de papillons et de syrphidés sont menacées.
Si nos civilisations sont arrivées à un point où l’on peut donner des instructions aux insectes en faisant danser des robots, on peut envisager l’avenir sereinement: nous laisserons aux générations futures un monde dans lequel les moustiques sortiront des toiles de tentes et dans lequel les fourmis arrêteront de rentrer dans la bouteille de grenadine. Et en prime, on aura peut-être sauvé les abeilles. On n’aura pas tout raté.
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