Voilà vingt ans qu’il bourlingue seul à travers la planète avec ses drôles de caméras embarquées pour filmer des inconnus chez qui il s’invite à dormir. Nul besoin de présenter son émission J’irai dormir chez vous. Et pourtant, ce concept inédit et culotté, Antoine de Maximy était le seul à y croire au départ. Il ne s’y est pas trompé. Cette émission un peu loufoque a rapidement trouvé son public, inspiré d’autres amateurs de voyages et le succès ne se dément pas depuis 2003. À 64 ans, l’infatigable globe-trotteur compte bien ne pas s’arrêter en si bon chemin. Entre deux tournages, il est venu souffler ses 20 bougies, avec l’édition du soir qui elle, célèbre ses 10 ans. L’occasion de s’inviter à dormir chez Ouest-France et surtout nous raconter ses meilleurs souvenirs. Lire aussi : Antoine de Maximy est venu dormir à Ouest-France ! On vous raconte les coulisses de sa visite Antoine de Maximy, comment vous est venue cette idée un peu folle d’aller dormir chez des inconnus partout dans le monde et de les filmer ? C’est l’aboutissement de plusieurs idées. Avant de lancer J’irai dormir chez vous, j’avais été cameraman, réalisateur, preneur de son. Je pouvais donc être tout seul pour un tournage. Jusque-là, je n’avais réalisé que des documentaires sur des expéditions exceptionnelles, avec des gens incroyables qui descendaient par exemple en sous-marin, à 5 000 mètres de fond, ou dans un volcan en activité. J’ai eu envie de faire des portraits de gens normaux. Et puis, je souhaitais aussi retrouver ma liberté, mon autonomie, me débarrasser des contraintes budgétaires de ces tournages plus spectaculaires. Dans mon enfance, mes parents, qui étaient artistes peintres, accueillaient aussi de temps en temps des invités qui venaient de loin, pour quelques jours, chez eux. Je savais que c’était possible. Ne sachant pas comment l’émission allait prendre, j’ai choisi le Mali, un pays exotique et francophone, pour me lancer. J’y étais allé peu de temps avant et je savais qu’il y avait une vraie joie de vivre là-bas, des habitants accueillants et faciles d’accès. Pour montrer le contraste entre pays pauvres et pays riches, pour le second épisode, j’ai choisi le Québec et en hiver. Vous avez été un précurseur qui a inspiré d’autres programmes télé après. Aviez-vous mesuré le potentiel de votre émission ? On ne se lance pas dans un projet aussi tordu qui va à l’encontre de tout ce qui se faisait à l’époque, sans y croire. J’imaginais qu’avec un peu de chance, ça allait marcher. Mais j’avoue, je ne pensais pas que vingt ans après, je serais encore là. Vous avez déjà visité 65 pays dans le cadre de l’émission. Une séquence vous a-t-elle marqué plus que les autres ? J’ai toujours voulu avoir une vie contrastée. Je ne peux en choisir qu’une. Je suis simplement content de la vie que j’ai menée jusqu’à maintenant. Des moments drôles, j’en ai vécu plein. C’est ce qui me plaît. Dans chaque épisode, il y en a eu au moins un. Toutefois, la première fois où on a vraiment rigolé, c’est au Japon, en 2004. Partir dans un pays où je ne pouvais pas comprendre les habitants ni lire quoi que ce soit, c’était inédit pour moi. Un vrai saut dans l’inconnu. Incompréhension, choc des cultures… Cela a abouti à des quiproquos avec des gens qui, en plus, étaient vraiment drôles. J’ai eu peur plusieurs fois. Mais il y a différents types de peurs. La peur instantanée, d’abord, qui disparaît aussi vite qu’elle est apparue, avec l’adrénaline qui va avec. Celle-ci, je l’ai ressenti à Sainte-Lucie, dans les Caraïbes, quand une fusillade a éclaté juste derrière moi. Aux États-Unis, j’ai eu davantage le temps de réfléchir, le jour où j’ai atterri dans un mauvais quartier. J’ai connu un troisième type de peur, une crainte plus latente, réelle mais invisible, en Bolivie, lorsqu’une fausse policière avait voulu me faire monter dans un taxi. Elle a fini en prison, mais ses copains me cherchaient. L’un des moments les plus forts fut ma rencontre avec une femme au Malawi, qui avait eu la polio à 7 ans. Quarante ans plus tard, elle marchait toujours à quatre pattes dans les rues pour mendier de l’argent, afin de nourrir ses cinq enfants. La diffusion de l’épisode a donné lieu à un formidable élan de solidarité. Des spectateurs ont envoyé des dons, on a créé une cagnotte et je suis retourné au Malawi pour lui ouvrir un compte avec cet argent. Elle a ainsi pu construire un bâtiment où elle loue des chambres et sortir de la misère. Aucune amitié n’a vraiment perduré. La raison est simple. C’est comme les amours de vacances. Tu te rencontres, tu passes une très bonne soirée, tu échanges les adresses et, après, chacun reprend sa route et sa vie à des milliers de kilomètres. Certaines personnes, une dizaine tout au plus, que j’ai rencontrées lors de mes tournages, sont venues me voir en France. Vous avez une vraie joie de vivre communicative, on a l’impression que tout vous réussit. Vous arrive-t-il parfois de connaître des déceptions ? Il y en a eu plein. C’est très important les déceptions, même si je ne les cherche pas. C’est grâce aux mauvaises expériences qu’on apprécie la valeur des bons moments. Partout où vous allez, vous êtes très à l’aise. Vous est-il déjà arrivé de vivre un épisode embarrassant ? Oui, en Finlande, à Rovaniemi, la ville du Père Noël. Le soir du réveillon, je me suis retrouvé dans une ville déserte. J’ai quand même continué à me balader dans les rues, en essayant d’aller dormir chez quelqu’un. J’ai trouvé un foyer qui fêtait Noël. J’avais emmené des cadeaux achetés au préalable, j’ai dîné, mais je suis parti avant l’ouverture des paquets. Je savais qu’ils n’auraient rien à m’offrir en échange, je ne voulais pas de malentendu. Votre séquence titubant en Corée du Sud, après avoir consommé alcool local et plante étrange, est restée dans les annales. Vous prêtez-vous à toutes les expériences qu’on vous propose ? Les Français ne sont pas les seuls à boire. L’alcool permet d’établir le contact, je me prête donc souvent au jeu quand on me propose. Mais en Corée du Sud, cela m’a mis dans un état second. Beaucoup ont retenu aussi la fameuse séquence tournée au festival Burning Man, dans le désert du Nevada, où j’ai expérimenté le « space cake ». Je n’ai pas aimé, j’avoue ! Vous ne vous lassez pas de voyager pour rencontrer le monde. Alors, vous êtes prêt à rempiler pour vingt ans encore ? Je serai mort dans vingt ans (rire). Quand je me suis lancé pour cette première double décennie, je ne savais pas que ça irait jusque-là. Je repars pour une deuxième double décennie, sans savoir quand elle s’arrêtera, mais je m’en fiche complètement. Mon objectif n’est pas de savoir quand ça va s’arrêter. Tant que je m’amuse, je continue ! J’irai dormir chez les Gaulois sera disponible sur RMC Découverte (chaîne 24 de la TNT), ce vendredi 10 novembre, à 21 h 10. Les autres épisodes sont à retrouver sur RMC BFM Play.