La Cour suprême suédoise s’est opposée à la demande d’extradition de Bülent Kenes d’Ankara, car il risquait d’être poursuivi en Turquie, où il est accusé de complicité dans le coup d’État de 2016.
Le 19 décembre, la Cour suprême suédoise a rejeté la demande d’extradition du journaliste Bülent Kenes, à qui le président turc Recep Tayyip Erdogan avait demandé de donner son feu vert à l’entrée de la Suède dans l’OTAN.
La Cour suprême, chargée des recours en extradition, a retenu « plusieurs obstacles » à la remise aux autorités turques de cet ancien rédacteur en chef, accusé par Ankara de complicité dans la tentative de coup d’État de 2016 et membre de la mouvance güléniste.
La Cour suprême évoque un risque de persécution en Turquie
La Cour suprême a souligné son statut de réfugié en Suède, ainsi que le fait que les accusations portées contre lui sont des « crimes politiques » ou liés à la sécurité de l’Etat turc. Enfin, la Cour suprême a souligné que l’appartenance au mouvement du prédicateur Fethullah Gülen en Suède n’est pas répréhensible. « Il existe également un risque de poursuites en raison de ses convictions politiques. Une extradition ne peut donc pas avoir lieu », a déclaré le juge Petter Asp.
Je suis un journaliste, pas un terroriste
Interrogé par l’AFP, l’ancien rédacteur en chef du quotidien anglais Zaman d’aujourd’hui, qui a cessé de paraître en 2016 sur décision du gouvernement turc, s’est dit « satisfait » de la décision de la Cour suprême, mais a accusé le « régime d’Erdogan » d’avoir « fabriqué » les accusations portées contre lui. « Je suis un journaliste, pas un terroriste », a-t-il plaidé, se disant « confiant que le régime utilisera d’autres méthodes » pour rendre sa vie en Suède « aussi difficile que possible ».
Alors que la Hongrie doit se prononcer début 2023 sur l’adhésion de la Suède et de la Finlande, la Turquie est le seul pays menaçant d’empêcher les deux pays nordiques d’adhérer à l’OTAN, décidée dans la foulée de l’offensive russe en Ukraine. Ankara, Stockholm et Helsinki avaient signé un protocole d’accord lors du dernier sommet de l’Otan en juin dernier, mais Recep Tayyip Erdogan avait de nouveau menacé de bloquer la ratification si ses demandes n’étaient pas satisfaites.
Lors d’une visite du Premier ministre suédois Ulf Kristersson pour convaincre le chef de l’Etat turc, ce dernier a été interrogé dans le cadre des pourparlers sur les dizaines d’extraditions réclamées par Ankara. Recep Tayyip Erdogan n’a alors cité qu’un seul nom en exemple, celui de Bülent Kenes, qu’il a accusé d’être un « terroriste ».
Les restitutions de militants kurdes ou de personnalités jugées hostiles par Ankara et de réfugiés en Suède sont un sérieux point de tension dans le contexte de l’élargissement de l’Otan. Le gouvernement suédois souligne que le pouvoir judiciaire du pays nordique est indépendant et que les décisions déjà prises ne peuvent être remises en cause.
A de nombreuses reprises, le président turc a rappelé que son pays ne ratifierait pas la demande d’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN « tant que les promesses des deux pays » en matière d’extradition des militants kurdes, mais aussi des membres du réseau güléniste, seraient tenues. . ne pas être « tenu ».
Si le prédicateur Fethullah Gülen, réfugié aux Etats-Unis, a nié toute implication dans le putsch manqué de 2016, il ne fait aucun doute à Ankara qu’à cette occasion la confrérie a voulu renverser le pouvoir en place. La même année, le gouvernement turc a classé le mouvement güléniste comme organisation terroriste et s’est depuis lancé dans une véritable chasse aux sorcières pour saper l’influence du mouvement güléniste tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
En juillet 2022, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a accusé l’organisation güleniste de « menacer l’humanité dans son ensemble » et a expliqué que la réponse à l’organisation devait être « unie et déterminée ».
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