EXCLUSIF – L’actrice et réalisatrice Maïwenn, accusée d’avoir agressé Edwy Plenel dans un restaurant, sort du silence pour s’expliquer. On la rencontre, en fin d’après-midi, près de la place de la Bastille. Casquette et cigarettes : elle parle. Au départ, le site Mediapart a mené une enquête sur Luc Besson fin 2018, accusé de viol par l’actrice Sand Van Roy. Le cinéaste a bénéficié d’un non-lieu, confirmé en appel au printemps 2022. Maïwenn et Luc Besson ont ensemble une fille. Des années après, sa vie à lui percute donc sa vie à elle. Dès le 10 mai, la réalisatrice reconnaît avoir agressé dans un restaurant le président et directeur de publication du site d’investigation Mediapart. Edwy Plenel a porté plainte. Maïwenn avait promis de s’expliquer sur son geste, après la sortie de son film, Jeanne Du Barry. Le temps est venu. Pourquoi choisir de prendre la parole aujourd’hui ?Â
On a beaucoup dit n’importe quoi ces derniers temps à mon sujet, au sujet de mon film, au sujet de mes actes et de leur motivation, au sujet de mes choix. Je souhaite donc simplement remettre un peu de contexte et d’humanité, et peut-être aussi quelques points sur les i. Les faits, tels que rapportés par les médias, sont-ils exacts ? Vous avez agressé Edwy Plenel, le 22 février, dans un restaurant du 12e arrondissement de Paris, lors d’un dîner : cheveux tirés et esquisse de crachat ?Â
Oui. Je ne cherche pas à esquiver. Par quels sentiments étiez-vous alors habitée ?Â
Par le sentiment de répondre à l’agression que j’ai subie il y a deux ans et qui me travaille depuis deux ans. Quelles sont les raisons de ce geste ?Â
Contrairement aux propos d’Edwy Plenel, qui d’ailleurs n’a aucune raison de connaître les raisons de mon geste puisqu’il n’a pas souhaité que nous en parlions, je ne reproche pas à Mediapart les enquêtes qu’ils ont menées concernant Luc Besson. Je leur reproche ce qu’ils m’ont fait à moi. À quand remonte la dissension ?Â
En octobre 2018, je rencontre Fabrice Arfi, journaliste à ÂMediapart, car je suis intéressée par son livre D’argent et de sang. Au détour d’une phrase, je lui fais part de mon étonnement de n’avoir pas été sollicitée dans le cadre de leur enquête sur Luc Besson, ne serait-ce que pour connaître mon point de vue. Il me répond que Marine Turchi, chargée de l’enquête, est sérieuse et qu’il doit y avoir un malentendu. Peu de temps après, cette dernière me transfère des mails, datant de juillet, envoyés à une ancienne adresse. Elle avait cherché à me joindre effectivement, mais je suis étonnée qu’elle ne se soit contentée que d’un vieux mail, alors que je suis joignable via les réseaux sociaux et mon agent. Elle m’écrit qu’elle souhaite entendre mon point de vue, que je peux lui faire confiance, que Mediapart respecte les mis en cause, les témoins, les plaignants, etc. J’accepte de la rencontrer dans un cadre strictement confidentiel. Je suis très claire sur le fait que je ne veux pas prendre la parole. C’est juste une rencontre. Elle accepte. Vous êtes-vous rencontrées ?Â
Oui. Marine Turchi vient chez moi, je tiens tellement à la Âconfidentialité que je lui demande de vider son sac par crainte d’être enregistrée. Elle le vide, et me dit : « Vous pouvez me faire confiance, on ne travaille pas comme ça », mais je préfère demeurer méfiante. Elle reste deux heures dans ma cuisine. Elle parle longuement des méthodes de son journal : les faits et rien que les faits, le respect des témoignages, la vérification des faits, et l’interdiction de jugement moral. Avez-vous abordé les enquêtes de Mediapart sur Luc Besson ?Â
Oui. Elle évoque les témoignages de différentes femmes et me décrit un homme que je ne connais pas. Je ne suis plus intime avec lui, nous avons juste des rapports cordiaux liés à la parentalité. J’écoute attentivement. Luc est accusé d’actes graves, je ne me permets donc aucun jugement sur les accusations. Mais je me rends compte aussi que quand je lui dis une ou deux choses qui ne vont pas dans son sens, elle n’en tient pas compte. Malgré tout, le rendez-vous se passe bien. À la fin, je lui confirme que je ne veux toujours pas prendre la parole, et je lui demande – pour protéger ma fille – si, dans tous les cas, elle peut me prévenir quarante-huit heures avant la publication de la prochaine enquête. Elle comprend. Elle me donne son accord. La journaliste a-t-elle tenu parole ?Â
Oui, fin novembre 2018, elle me prévient par SMS de la publication de sa nouvelle enquête et m’envoie l’article. Il n’y a rien sur moi. Je la remercie. Je prépare ma fille. (Mais préparer à souffrir n’empêche pas la douleur, je le précise.) Le 15 juin 2020, je suis convoquée à la police judiciaire. Je leur demande si je suis obligée de m’y rendre, je préfère rester en dehors de tout ça, mais ils me disent que c’est obligatoire. Donc j’y vais.  En quoi diffuser une audition sur ma vie intime permet d’éclairer le débat et de servir l’intérêt général ? Comment l’audition s’est-elle déroulée ?Â
Le commissaire m’a demandé de raconter toute ma vie avec Luc : la rencontre, le contexte familial, l’intimité, les rapports sexuels… Il a fallu tout raconter, tout décrire. Je n’ai rien caché, rien arrondi. Ma déposition a duré de 10 heures à 15 heures. Sans pause. J’en sors Âlessivée. Je ne sais pas si Luc va lire mon témoignage, je ne lui raconte rien, et il a la courtoisie de ne me poser aucune question. Ma fille non plus. Quand l’audition a-t-elle ressurgi ?Â
Sept mois plus tard. Janvier 2021, Paris Match [qui appartient au groupe Lagardère comme le JDD] sort un article de plusieurs pages sur Luc Besson avec une longue partie de ma déposition. Et en mars 2021, Marine Turchi publie, sans me prévenir, un article avec des bouts de mon audition. Tous à charge et utilisés de manière orientée. Dans ma vie, c’est un cataclysme. Comment avez-vous réagi ?Â
J’ai ressenti un viol moral. J’ai fait un procès civil à Paris Match, je l’ai perdu au nom de l’information légitime du public. Depuis les lois de  2010 et 2016, il est quasi impossible de poursuivre un journal qui a publié des procès-verbaux d’enquêtes. Le procès ajoutait de la douleur à la douleur : j’ai décidé de ne pas faire appel et j’ai renoncé à attaquer Mediapart. Que reprochez-vous à ce système juridique ?Â
Il faut distinguer les mots et les choses. En quoi diffuser une audition sur ma vie intime permet d’éclairer le débat et de servir l’intérêt général ? J’étais un simple témoin qui ne fréquentait plus le mis en cause depuis vingt ans. Je suis venue m’exprimer dans un cadre qu’on me garantissait comme totalement confidentiel. Si les personnes soumises au secret (magistrats, policiers, avocats) ne le respectent pas, les victimes et les témoins se sentent exposés et perdent confiance. C’est une dérive qui pousse à se taire ou à mentir. Tout le contraire de ce qu’il faut pour que la justice puisse se faire. Comprenez-vous que l’on puisse penser que rien ne justifie d’agresser un journaliste ?Â
Si rien ne justifie que l’on s’en prenne à un journaliste, rien ne justifie que l’on viole l’intimité d’une femme, qu’on trompe sa confiance. La justice, c’est arbitrer entre les interdits. Je vous laisse juge, mais, au fond de moi, je ne peux pas m’empêcher de penser que mon geste est bien peu par rapport à ce que j’ai subi. Sans compter le fait que la trahison vient d’une femme, qui a écrit un livre sur MeToo. Mais je ne suis évidemment pas la seule, ni la pire des victimes de ce genre de dérive. Quand Romain Verley, dans son livre sur PPDA, révèle le nom d’une des plaignantes alors qu’elle désirait rester anonyme et le contenu de son audition par la police, il viole son consentement, et cela lui porte préjudice et dessert la cause. Elle aussi a saisi le tribunal, qui a aussi rejeté sa demande. Les autres plaignantes ont écrit au journaliste : « Vous n’avez pas respecté notre volonté, rajoutant une nouvelle couche de violence à la violence. » L’auteur et son éditeur ont plaidé qu’ils combattaient l’omerta et qu’ils dénonçaient un système. Ils se présentent comme des chevaliers blancs défendant les femmes malgré elles, et même, parfois, contre elles. Ils semblent plus exploiter ce mouvement que le servir, et ce sont les victimes et les témoins qui font les frais de cette exploitation. Edwy Plenel voulait des excuses. Pourquoi avez-vous refusé ?Â
Il a demandé des excuses. J’ai proposé une discussion. Il a refusé. Il ne veut pas discuter, ni chercher à comprendre, mais simplement que je m’incline. Il veut nous placer dans un rapport de force, de dominant à dominé. C’est pour cela que j’ai refusé. C’est par la presse, en avril, que j’ai appris qu’il avait déposé plainte. Vous avez reconnu votre geste sur le plateau de Quotidien (chaîne TMC) le 10 mai. Les rires n’étaient-ils pas de trop ?​Â
Ce n’était pas un rire arrogant. J’ai été emportée par le rire de la salle. Ce n’est pas toujours simple de maîtriser ses sentiments en direct et en public. Edwy Plenel, lui aussi, n’a pas bien maîtrisé ses paroles me concernant lors de ses déclarations sur les plateaux de télévision. Jeanne Du Barry a fait l’ouverture du Festival de Cannes, le 16 mai. Les polémiques ont-elles entaché votre joie ?Â
Non, nous avons reçu un très bel accueil, et le film a très bien démarré. Dans Libération, une tribune signée par un collectif de 123 acteurs et actrices a reproché au Festival de Cannes de dérouler le tapis rouge aux hommes et femmes qui agressent. Qu’en pensez-vous ?Â
À dire vrai, cette tribune ne m’a pas du tout dérangée. Sauf à tout confondre et diluer, voire à perdre complètement le message, on ne peut pas la lire comme visant spécifiquement Johnny Depp, donc je ne me suis pas sentie visée. Ce sont d’autres médias qui, dans la précipitation ou la recherche du buzz, ont tout amalgamé. Ce sont ces amalgames qui brouillent le débat et finissent par le rendre impossible. Si cette tribune n’est pas lue pour ce qu’elle est, elle perd sa force et son sens. Au risque, comme beaucoup de tribunes, de passer aussi vite qu’elle est parue. Et puis ces tribunes sont parfois faites dans de telles conditions que le niveau d’engagement des signataires pose question. L’un des « signataires » cités m’a indiqué n’avoir jamais ni répondu ni signé. C’est dire. Libération a dû s’en excuser. De plus, Libération encense des films un jour et les descend la semaine suivante. Un jour, la presse dénonce le manque de réalisatrices, et le lendemain (cette année, par exemple) elle porte ses attaques uniquement contre elles : Valeria Bruni-ÂTedeschi, Catherine Corsini, Justine Triet et moi. Je le perçois comme un progrès : au moins, nous sommes traitées à égalité avec les hommes. Il y a des polémiques partout et tout le temps. Hommes et femmes. Dans votre film, la présence de Johnny Depp, accusé de violences conjugales par son ex-compagne, Amber Heard, a fait polémique. Avez-vous dit tout ce que vous aviez à dire sur ce sujet-là  ?Â
J’ai choisi Johnny Depp avant ses procès parce que c’est un grand acteur. L’affaire a ensuite été jugée. Je pense que l’un et l’autre ont maintenant le droit de reprendre une vie normale. Edwy Plenel a donné une interview au magazine américain Variety le 16 mai. À travers lui, vous vous en seriez pris au mouvement MeToo. Qu’en est-il ?Â
Edwy Plenel se sert de MeToo comme d’un bouclier. Il n’est ni l’inventeur du mouvement ni son incarnation. La fameuse phrase « quand une femme dit non, c’est non » s’applique aussi à lui. J’avais dit que je ne voulais pas prendre la parole, et ils ne l’ont pas respecté, c’est aussi simple que ça. Quelle est votre position vis-à -vis de MeToo ?Â
Je soutiens le mouvement MeToo et je comprends même certaines formes de radicalité. C’est le sort des grandes révolutions que de ne pas toujours faire dans la modération. Je pense cependant qu’il faut veiller à éviter une dérive vers une forme de puritanisme qui mènerait à la censure intellectuelle et culturelle. Sinon quel avenir pour la nuance, l’ambiguïté, le paradoxe, le second degré, qui font toutes les facettes du réel et de la réflexion ? Je fais des films depuis dix-sept ans, avec comme toile de fond des femmes qui se battent pour se faire respecter. On ne va tout de même pas tout réduire à la polémique autour de Johnny Depp et retourner contre moi et mes films les quelques nuances que je tente d’introduire dans le débat. Edwy Plenel a dit sur France 24 que vous défendiez votre agresseur en la personne de Luc Besson. Que lui répondez-vous ?Â
Je ne pense pas que ce soit à Edwy Plenel, tout journaliste et homme qu’il est, de juger de ma relation passée avec Luc Besson et encore moins de décider qui est mon agresseur. La seule personne qui soit en mesure d’en juger, c’est moi. Et moi je considère que mes agresseurs, ce sont Mediapart et Paris Match. Je suis aussi en droit de m’étonner qu’à aucun moment Edwy ÂPlenel n’évoque le non-lieu de Luc ÂBesson. On ne peut pas appeler à tout bout de champ à ce que justice soit rendue et la nier ou l’escamoter quand elle ne nous donne pas raison. Mediapart ne défend pas les femmes : ils ont une ligne à laquelle on adhère ou pas, qui est de mettre à terre les puissants. Il ne faut pas que le féminisme ou le combat pour l’égalité des sexes se réduisent à des instruments au service d’une ligne éditoriale. La vie me l’a appris : les prêcheurs sont souvent des Âtartuffes. EXCLUSIF – L’actrice et réalisatrice Maïwenn, accusée d’avoir agressé Edwy Plenel dans un restaurant, sort du silence pour s’expliquer. De plus en plus d’espèces exotiques s’invitent dans nos jardins. Et la cohabitation avec nos écosystèmes peut se révéler problématique. ​​Halyomorpha halys, surnommé​ ​« la punaise diabolique », est l’une d’entre elles. Cet insecte originaire d’Asie provoque de très gros dégâts dans les vergers. ​​Le remède ? La guêpe samouraï,​​ une autre bestiole importée d’Asie ! ÉPISODE 2/2 – Le père de l’agent 007 a longtemps multiplié les conquêtes et les histoires compliquées. Suite du portrait de ce british aussi séducteur que son héros… ÉPISODE 1/2 – Pour fêter jour pour jour le 70e anniversaire de la publication de « Casino Royale », le premier James Bond écrit par Ian Fleming, une nouvelle édition est sortie en poche le 13 avril. L’occasion de raconter les aventures sentimentales méconnues du père très british de l’irrésistible 007, aussi torrides que celles de son héros. Le député de la Somme ne se cache plus. Il veut renforcer son organisation et étoffer son offre politique. En attendant des soutiens… Cathy Chatelain attend son procès aux assises pour avoir donné le « baiser de la mort » à un mafieux, provoquant un double assassinat à l’aéroport de Bastia en 2017. L’ex-gardienne de prison, mère de cinq enfants, semble avoir confondu sa vie sur l’île avec un roman noir. Elle s’est longuement confiée dans des lettres au JDD.