À travers Eric Verhaeghe – 19 juin 2022
Comme nous l’annoncions il y a dix jours, Emmanuel Macron ne disposera que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale, ce qui l’obligera à de nombreux caprices pour gouverner. Dans les mois à venir, et peut-être même les semaines, ce président vertical, si peu habitué aux compromis politiques, serait confronté à de sérieux problèmes institutionnels. Nous parions sur un déclin rapide de la Ve République, qui se terminera par une rupture systémique et une transition (probablement lente et douloureuse) vers une autre forme de démocratie. La nouvelle va nous surprendre !
Tout ne se passe pas comme sur des roulettes pour le second mandat d’Emmanuel Macron. Nous avons annoncé il y a dix jours que le président n’obtiendrait qu’une majorité relative, entraînant une crise du régime. La première moitié de la proposition a été vérifiée aujourd’hui et nous maintenons nos prévisions pour la deuxième partie : la Ve République ne sera pas longue et toutes les options sont désormais ouvertes pour l’avenir.
La Ve République ne marche plus…
Premier constat en tout cas : de Gaulle avait inventé la Ve République pour éviter le parlementarisme des IIIe et IVe Républiques. La constitution, avec son formidable scrutin uninominal à deux tours aux élections législatives, devait empêcher la paralysie des institutions et permettre de dégager à tout moment une forte majorité.
La recette ne fonctionne plus. Le législateur confirme que la majorité n’existe plus et que désormais il faut composer en mode IVe République.
Le naufrage du quinquennat chiraquien
On se souvient que Chirac avait instauré le quinquennat pour empêcher la cohabitation. La règle était que les électeurs aux élections législatives confirmeraient nécessairement le choix fait aux élections présidentielles. C’était la solution pour éviter la paralysie.
Force est de constater que cette ancienne croyance a fait son temps. Macron a été réélu pour un second mandat, mais sans obtenir de majorité parlementaire. L’idéal chiraquien est mort.
Une constitution dépassée
Petit à petit on mesure les dégâts qui se préparent. D’un côté, les institutions qui promeuvent l’autoritarisme d’un seul homme. D’autre part, l’absence de majorité pour gouverner.
Nous venons de découvrir les raisons qui expliquent l’obsolescence de notre construction républicaine. Ce qui pose problème, c’est la verticalité rigide d’une démocratie représentative qui ne correspond plus à la sociologie et aux technologies de notre temps. Quelles que soient les manipulations que les autorités peuvent ou vont essayer, le problème demeurera.
Il faut opter pour une nouvelle forme de pouvoir institutionnel.
Confrontés à Mélenchon et Le Pen, ces gens du passé…
La Ve République n’a définitivement pas de chance et on a du mal à imaginer qu’elle puisse durablement survivre à l’épreuve qu’elle prépare. Car Macron a désormais affaire à une NUPES puissante, mais qui se compose de bibelots avec des gens qui se détestent et dont l’unité n’est que passagère, et un RN qui devrait être proche de 100 députés.
Le tour de force de Mélenchon est de faire croire à sa victoire. En fait, son étrange hoquet n’a obtenu que 5,5 millions de votes. Tout cela fait partie de la rhétorique politique. Toujours est-il que son poids est suffisant pour empêcher Macron de gouverner. Mais comme Marine Le Pen, Mélenchon est un homme du passé qui, malgré le déni, continue de penser dans le cadre partisan habituel.
La Ve République à bout de souffle
Autrement dit, nous pouvons être confiants que la NUPES et le RN épuiseront et essoreront la Constitution dans ses retranchements. De magouilles parlementaires en cascades qui rendent la vie impossible au président, les deux partis vont détruire l’ordre politique et convaincre de nombreux Français qu’il faut désormais tourner la page.
Pourquoi va-t-on s’amuser ?
Avant que cela ne soit enfin dit (le taux d’abstention montre que c’est dit depuis longtemps, mais pas encore assez), nous profiterons de quelques bonnes heures de spectacle. Le scénario est déjà écrit : Macron défendra obstinément un projet européen plus ou moins opposé à la NUPES et au RN.
Sur cet axe crucial de la mondialisation et de la souveraineté, il faut déchaîner les passions, qui minent la crédibilité du projet européen au pire moment de son existence (celui du retour de la guerre) et la crédibilité de la France en Europe.
Nous convenons donc de nous retrouver cette semaine pour écrire la chronique de cette faillite annoncée – une faillite qui nous délivrera des élans de générosité que nous avons déplorés lors du précédent quinquennat. Notre conviction est que cette suite ne sera pas fluide, et même qu’elle sera très théâtrale et dramatisée.
Source : Le Courrier des Stratèges
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