Julie Fichera et Caroline Vigoureux : « On voulait raconter le drame invisible de l’infertilité »

C’est un livre au titre ironique dans lequel les deux amies évoquent la question difficile de l’infertilité. Un sujet sur lequel, définitivement, « tout ne se passe pas bien ». « Quand on parle d’infertilité, on parle souvent de chiffres et de statistiques, et nous on a voulu mettre des mots derrière la douleur, les sentiments extrêmement ambivalents qu’il peut y avoir derrière », explique Caroline Vigoureux. « C’est quelque chose qui, lorsqu’on le vit, nous obsède. On voulait raconter le drame souvent invisible que peut constituer l’infertilité. L’une et l’autre, on a eu des parcours différents mais des ressentis similaires : on voulait le raconter de manière brute, parce qu’on s’est rendu compte que la question était assez sous-traitée. » « Il y a un mélange de gêne, de pudeur, de honte, on a l’habitude de ne montrer que la happy end de tout ça sans raconter le parcours parfois sinueux et douloureux qu’il y a derrière. » Julie Fichera a découvert à 16 ans qu’elle ne pourrait pas porter d’enfant. « Le désir d’être mère, il n’était même pas né qu’on me l’avait déjà enlevé », explique-t-elle. « Du coup, on se construit différemment, autrement. On se pose beaucoup de questions sur le principe même d’être femme. Quand j’ai rencontré mon conjoint, on avait gardé en tête qu’on pouvait avoir un enfant qui génétiquement était le nôtre, et on s’est lancés dans l’aventure titanesque qu’est la GPA. » Une pratique encore interdite en France : il a donc fallu aller faire cette GPA aux États-Unis. Et ça a d’abord un prix : « 120.000 euros, et je pense qu’on peut monter à 150.000 euros si on compte le billet d’avion, les transports, l’appartement qu’il faut louer là-bas… Il faut aller trouver cet argent, aller le chercher, taper à la porte de toutes les banques. » L’infertilité est aussi un sujet qui touche les hommes, différemment. « Un gynécologue m’avait dit que quand on touche à la qualité des spermatozoïdes d’un homme, on peut vite toucher à sa virilité », raconte Caroline Vigoureux. « J’ai eu la chance d’avoir un mari qui avait assez d’intelligence et de recul pour ne pas le vivre comme ça, mais malheureusement c’est souvent le cas. Et ça participe sans doute à rendre les problématiques d’infertilité invisibles, parce qu’on touche à l’intime et parfois à la dignité des uns et des autres. »