« L’épine dorsale qui permet aux nouveaux arrivants de découvrir les valeurs d’un club n’était plus assez présente » « Je suis arrivé dans un club en plein changement, où j’ai retrouvé quelques camarades des équipes de France jeunes (Bruno Carotti, Eric Rabesandratana, Nicolas Ouédec, Yann Lachuer). Il y a un nouveau président (Charles Biétry prend la succession de Michel Denisot), un nouvel entraîneur (Alain Giresse) et beaucoup de nouveaux joueurs également. Avec du recul, ça a causé un manque d’identité au sein du club, avec des joueurs perdus. L’épine dorsale qui permet aux nouveaux arrivants de découvrir les valeurs d’un club n’était plus assez présente. » Ça ne vous a pas fait peur d’entamer un nouveau cycle de la sorte après la stabilité connue à Auxerre les huit saisons précédentes ? « Le plus gros changement concerne l’exposition médiatique. J’ai quitté Auxerre où nous étions dans un cocon, constamment protégés par Guy Roux, pour Paris, où la presse est sans pitié. Il faut s’y faire, mais ça change, c’est clair. » Vous avez vécu votre adolescence à Versailles, donc vous n’arriviez pas en terrain totalement inconnu. Ça a pesé dans votre décision ? « Oui, j’ai grandi en région parisienne et j’avais toujours ma sœur sur place au moment de revenir à Paris. Disons que j’arrivais en territoire connu géographiquement. Après, je découvrais tout de même le PSG et sa médiatisation. » « C’était un peu une surprise. Mon but initial était de rejoindre le championnat anglais. Je me suis blessé au ménisque en début d’année 1997 et j’ai traversé une saison en demi-teinte à cause de ça. Ça m’a fermé quelques portes sur le moment. C’était un bon pari de rejoindre Paris (rire). Et puis, je rejoignais l’équipe que j’ai affrontée des années durant en jeunes avec Versailles. Ma mère refusait à chaque fois que je signe au PSG, pour que je puisse terminer mon cursus scolaire de manière normale. J’avais quand même quelques copains au sein du club à force de les affronter. » Vous n’avez évolué qu’une saison au PSG, une année difficile, conclue par une 9e place en championnat. Vous avez connu deux présidents et trois entraîneurs en seulement douze mois. « Oui, c’était particulier à vivre. J’ai rejoint le PSG notamment parce qu’Alain Giresse me voulait. Mais il est écarté rapidement et Artur Jorge revient sur le banc avant d’être lui aussi mis à pied. Philippe Bergeroo a finalement repris l’équipe, et je me suis heureusement bien entendu avec lui. Mais cette instabilité entre dans votre réflexion pour la suite. » L’équipe se fait également éliminer dès les 16es de finale de Coupe des Coupes (l’ancienne C2, disparue en 1999) par le Maccabi Haïfa (1-1, 2-3). Vous avez dû être particulièrement marqué par ce match retour durant lequel vous marquez un cruel but contre votre camp dans les dernières secondes (90e). « Ça a été le scénario catastrophe. J’ai dévié la balle sur le troisième but d’Haïfa, oui. J’avais ma part de responsabilité dans cette élimination. Je l’ai pris un peu personnellement. Ça a été un moment difficile à vivre, parce que se faire éliminer contre Haïfa n’est pas acceptable quand vous êtes au PSG. C’était impensable, malgré tout le respect que j’ai pour eux. On en avait pris plein la figure derrière ça. » Est-ce qu’un de vos coéquipiers vous a impressionné malgré tout ? Il y avait quelques belles individualités au sein de cet effectif. « Jay-Jay Okocha était un phénomène. Il est arrivé en même temps que moi, en devenant le plus gros transfert de l’histoire du football français (100 millions de francs, soit environ 15 M€). Il était vraiment impressionnant avec ses dribbles. » Vous partez à Newcastle dès l’été 1999 pour 4,75 millions de livres (5,5 M€ environ). Pourquoi ce choix ? « Après quelques mois à Paris, juste avant la trêve hivernale, j’ai été contacté par Tottenham. J’ai attendu, mais mon objectif était toujours de découvrir le football anglais, donc j’ai accepté l’offre de Newcastle six mois plus tard. » « Le football anglais me correspondait bien. Il y a un côté fair-play malgré l’engagement dans le jeu. Les beaux gestes défensifs sont valorisés par le public. Un beau tacle sera tout autant salué qu’un but ou qu’un dribble. Et puis l’engouement est présent dans tous les stades, aux quatre coins du pays. Les publics sont bouillants. Je voulais aussi découvrir un nouveau pays et sa culture. » « Je ne regrette pas d’être parti. J’ai fait mon trou en Angleterre et Paris s’est bien relancé sans moi également » « Je ne regrette pas d’être parti. J’ai fait mon trou en Angleterre et Paris s’est bien relancé sans moi également. Même si je pensais y trouver de la stabilité et m’installer, je peux dire que j’ai vécu cette expérience de jouer à Paris. » « La mentalité est extraordinaire. Les gens sont très aimables et ont la joie de vivre. On peut faire le rapprochement avec le Nord de la France et une ville comme Lens. C’est une ville minière où le football est l’échappatoire pour beaucoup. Tout le monde n’attend que le match toute la semaine. C’est la messe. À mon arrivée, on a perdu les cinq premiers matches et les gens étaient positifs malgré tout, alors qu’à Paris, ils m’auraient lynché (rire). L’ambiance est toujours au rendez-vous à St. James Park. Le public gueule pour son équipe et ça impressionne les adversaires. » « À mon arrivée à Newcastle, je m’entendais très bien avec Ruud Gullit, mais il a été évincé au bout de cinq matches seulement. Il a été remplacé par Bobby Robson, qui a réinstallé les anciens du groupe, dont Alan Shearer. Il avait une vision totalement différente du football. J’ai aussi connu quelques pépins physiques qui m’ont pénalisé. Dès que j’ai appris l’intérêt de Fulham, alors entraîné par Jean Tigana, j’ai sauté dans le premier avion. Et ça s’est révélé être un très bon choix, là aussi. » Vous passez trois ans au Qatar, à Al-Wakrah, entre 2006 et 2009. Quel était le niveau sur place à l’époque ? « C’était un pays rempli de paradoxes. Il y avait de grandes disparités de niveau d’une équipe à une autre, et pareil pour la qualité des infrastructures. Il y a eu une large progression depuis vingt ans. Je ne suis resté que quatre mois sur place, avant que mon genou ne me lâche. Je suis donc rentré en Europe en restant un peu sur ma faim. » Ce double affrontement entre le PSG et Newcastle doit être spécial à vivre pour vous. Avez-vous une préférence ? « J’aime voir du beau jeu. J’ai joué pour les deux clubs, oui. Au vu du match aller, je pense que Paris va vouloir se reprendre et prouver des choses. » Justement, avez-vous été surpris par la faillite collective du PSG à Newcastle (défaite 4-1), début octobre ? « Je ne sais pas si le PSG a été trop présomptueux, mais c’est le type de défaite que tu n’oublies pas » « Paris ne s’attendait pas à affronter une équipe aussi remontée. La ferveur était folle et l’hostilité a dû les surprendre. Newcastle leur est rentré dedans dès le premier ballon. Je ne sais pas si le PSG a été trop présomptueux, mais c’est le type de défaite que tu n’oublies pas. » « Le principal atout de Newcastle est sa grosse assise défensive. Au-delà du fait qu’ils soient le club le plus riche de Premier League, ils ont su très bien recruter depuis deux ans. Ils ont un très bon entraîneur (Eddie Howe), qui a su apporter sa touche sans tout chambouler. Ils auraient pu tout révolutionner et changer les onze joueurs, mais ils ne l’ont pas fait. C’est peut-être là que je vois une différence avec Paris. Ils ont su recruter des joueurs avec des qualités techniques et physiques, mais aussi mentales. Je parle de joueurs qui avaient envie, des morts de faim. » « Je suis assez peu le football français, mais je garde un oeil sur Paris. L’équipe est en train de se reconstruire. Il y a du gros potentiel, et surtout devant. Le trio Mbappé-Kolo Muani-Dembélé peut faire très mal une fois qu’il sera rôdé. Il faut que la mayonnaise prenne. Mais ils vont être dangereux. » Les départs de Lionel Messi, Neymar ou encore Marco Verratti ont-ils été positifs pour le PSG selon vous ? « Les sujets extra-sportifs avaient pris le dessus sur le sportif. Ce n’est jamais une bonne chose. Sur le terrain, Paris manquait de niaque, de leadership par moments. Je pense à un joueur comme Thiago Motta, prêt à avoir une influence sur l’équipe de part sa personnalité. » Plus globalement, quelle est votre vision de la présidence qatarienne du PSG, entamée en 2011 ? « Ils se sont peut-être un peu précipités lors de leurs premières années au club. Ils n’ont pas choisi la meilleure formule en changeant tant de choses si rapidement. La transition a été difficile et trop abrupte pour que le club ne perde pas en partie son identité. » « Presque pas. Mon unique lien avec le club et son actualité se nomme Éric Rabesandratana, qui commente les matches pour Radio France Bleu Paris. C’est le seul ancien coéquipier avec qui j’ai gardé contact et avec qui j’échange régulièrement. »