Haïti : le “coup d’Etat” orchestré par Paris-Washington en 2004 selon un ancien ambassadeur de France

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Un ancien ambassadeur de France sur l’île a reconnu l’implication de la France et des États-Unis dans le renversement de l’ancien président Aristide, qui avait exigé des réparations pour les lourds paiements post-indépendance.

Dans une série d’articles consacrés aux relations entre la France et son ancienne colonie d’Haïti, intitulée la rançonla New York Times est revenu sur ce que les auteurs décrivent comme les “racines du malheur” de l’île, confrontée à une extrême pauvreté et à une violence endémique, elle-même exacerbée par des catastrophes naturelles régulières.

Les auteurs se sont penchés sur la dette extrêmement élevée qui a pesé sur les finances de l’île et entravé sévèrement son développement, dette née des revendications de la France après l’indépendance d’Haïti, et confirment que la France a dressé, dans le seul avec les États-Unis, un « coup ” de destituer du pouvoir le président Jean-Bertrand Aristide, qui avait demandé des réparations financières à Paris.

Une énorme dette imposée par la France

Malgré la révolte des esclaves victorieuse en 1791 et la défaite des troupes françaises envoyées par Napoléon en 1802, suivie de la reconnaissance de l’indépendance de l’île en 1804, les vainqueurs sont en effet convoqués en 1825, sous la menace d’une nouvelle invasion, pour « dédommager « La France pour les pertes subies par les propriétaires de plantations.

Isolée, l’île a accepté de payer ces “réparations”, avec un versement initial représentant “six fois les revenus du gouvernement”, selon le quotidien américain. Le poids des remboursements “a complètement perturbé le processus de construction de l’État”, note l’économiste Thomas Piketty, entraînant entre autres un sous-investissement dans l’éducation et les infrastructures. D’où la situation dramatique de l’île en ce moment, selon les auteurs de l’étude.

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Les demandes de réparations à l’origine de l’expulsion d’Aristide en 2004 ?

Face aux dégâts causés par cette charge financière, déjà débattue par d’autres universitaires américains, le président Jean-Bertrand Aristide, revenu au pouvoir en 2000 après un premier mandat en 1990-91, a appelé à des “réparations”. à la France, avec une créance de 21 milliards de dollars, une demande qui n’était pas du goût de l’ambassadeur de France de l’époque, Yves Gaudeul, qui l’assimile à la… New York Times à un “explosif” qu'”il fallait essayer de le désamorcer”.

Le gouvernement français réagit en nommant une commission publique d’enquête sur les relations entre les deux pays, à laquelle participe Régis Debray. Il a cependant pour consigne, selon le successeur d’Yves Gaudeul, Thierry Burkard, de ne pas dire un mot dans le sens du retour. Le rapport du comité, déposé en janvier 2004, dénonce « des revendications monétaires de dernière minute qui n’ont rencontré que peu de soutien public » et juge que « la demande d’Haïtien n’a aucun fondement légal », même s’il admet qu’« il […] scandaleux qu’Haïti ait dû en quelque sorte acheter sa reconnaissance internationale en francs-or après avoir obtenu son indépendance au prix du sang.

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Quant aux circonstances ayant conduit au départ de Jean-Bertrand Aristide, la New York Times déclare que “la France et les États-Unis ont toujours déclaré que son éviction n’avait rien à voir avec la demande de restitution, blâmant plutôt le virage autocratique du président haïtien et sa perte de contrôle sur le pays”. Cependant, l’ancien ambassadeur Thierry Burkard a reconnu le rôle des deux pays et a déclaré au quotidien que les deux pays avaient orchestré un « coup d’État » contre le président Aristide. Tout en euphémisant le lien entre sa destitution et la demande de réparations, “c’est probablement un peu ça aussi”, a-t-il dit. “Cela a simplifié notre travail”, explique l’ancien ambassadeur, qui a déclaré que la demande “aurait créé un précédent pour 36 autres plaintes”.

Cette information confirme ce qui a déjà été publié par Le monde diplomatique en décembre 2021 : en lien avec les événements de 2004, le mensuel avait déjà fait état « d’un coup d’État soutenu par Washington, Paris et Ottawa » qui avait contraint le président haïtien démocratiquement élu à la démission. L’auteur a également noté que, malgré la querelle diplomatique franco-américaine dans le cadre de l’invasion de l’Irak, la France avait continué à coopérer avec Washington en Haïti.

« Après l’éviction de M. Aristide et son exil forcé en République centrafricaine, les troupes françaises ont débarqué aux côtés des Marines américains avant de céder la place à plusieurs milliers de casques bleus dans le cadre de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), une nouvelle compagnie de construction de la nation‘, dépeint le chercheur américain Jake Johnston. Les États-Unis ont occupé Haïti de 1915 à 1934, épuisant également les ressources de l’île et n’hésitant pas à recourir à la violence, indique l’une des autres parties de l’étude.

Jean-Bertrand Aristide a été banni pendant sept ans et est rentré dans son pays en 2011. Comme le rapporte Martinique La 1ère, lors d’un discours aux étudiants en mars 2021, il a critiqué la politique de ses successeurs, dont Jovenel Moïse, qui sera assassiné quelques mois plus tard dans des circonstances peu claires. « Face à la multiplication des gangs et au fléau des kidnappings, l’inconscient colonial se révèle de plus en plus toxique. D’où la propagation non pas du coronavirus mais du “virus colonia”. Et donc à partir du 29 février 2004 [date du coup d’Etat] ces jours-ci, la descente aux enfers continue aveuglément », a-t-il déclaré.

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L’ONU a alerté le 17 mai 2022 sur la recrudescence des crimes et délits commis par des gangs sur l’île, qui prospèrent après l’effondrement de l’État : selon la haute-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, la violence y a atteint « des niveaux inimaginables » et la situation pourrait « devenir encore plus incontrôlable » sans l’aide internationale.

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francais.rt.com

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