Les outils développés depuis quelques années leur permettent d’évoluer en toute impunité.
«Un outil à la fois puissant et perfide»: c’est ainsi que le magazine Wired décrit les cryptomonnaies lorsqu’elles sont utilisées par ceux qui vendent ou achètent des vidéos et images pédocriminelles. La plus célèbre d’entre elles, le bitcoin, a permis à un grand nombre d’entre eux de contourner le système bancaire classique et les plateformes de paiement habituelles. Donc de ne rien dévoiler de leurs activités.
Cependant, le recours au bitcoin ne constitue pas une parfaite cape d’invisibilité: les transactions réalisées en cryptos étant bel et bien enregistrées, il a parfois été possible à des enquêteurs de remonter à la source et de mettre des pédocriminels sous les verrous. Mais cela reste bien rare, clame Wired, l’utilisation des cryptomonnaies donnant à ces criminels la possibilité de passer bien plus longtemps à travers les mailles du filet.
Une étude effectuée entre 2020 et 2023 par Chainalysis, entreprise américaine d’analyse de la blockchain qui travaille sur la traçabilité dans le marché des monnaies cryptographiques, permet de dresser un état des lieux plus précis de la façon dont les cryptos sont utilisées dans l’univers sordide des contenus de type pédocriminel (ou CSAM en anglais pour «matériels d’abus sexuels d’enfants»). Le bilan est le suivant: si la masse des monnaies virtuelles utilisée dans ce domaine est en baisse depuis 2021, d’autres indicateurs sont bien moins reluisants.
Intraçable
Chainalysis met en lumière la sophistication galopante de l’utilisation des cryptomonnaies dans le commerce des contenus pédocriminels, ainsi que l’utilisation d’outils ultramodernes permettant aux utilisateurs d’optimiser la sécurisation de leurs données personnelles. Cela complique à la fois «l’identification, le traçage, les poursuites judiciaires et l’aide aux victimes», résume Eric Jardine, responsable de la recherche sur la cybercriminalité pour Chainalysis et qui a dirigé l’enquête.
Dans le cadre de ses recherches, l’équipe d’Eric Jardine a passé quatre ans à analyser 400 portefeuilles de cryptos appartenant à des vendeurs de tels contenus, ainsi que les profils de 10.000 acheteurs. Son bilan est accablant: les pédocriminels semblent être parfaitement à l’aise dans ce monde de la cryptomonnaie. Ils y sont installés depuis un certain nombre d’années et le sentiment d’impunité qui les anime leur donne envie d’y rester pendant encore un sacré bout de temps. Plus ça va et plus ces criminels s’installent durablement, persuadés de ne pas pouvoir être inquiétés.
Parmi les moyens utilisés, on trouve le «mixer», un outil qui permet de mélanger savamment les fonds des utilisateurs, afin de faire perdre toute forme de traçabilité à leurs transactions. Certains pays, comme l’Allemagne ou les États-Unis dans le cas de ChipMixer en mars 2023, ont d’ores et déjà légiféré pour faire interdire certaines de ces plateformes de blanchiment de cryptos disponibles en ligne. Ce qui n’empêche pas la pratique de prendre peu à peu de l’essor: 46% des vendeurs de contenus pédocriminels y ont recours, soit une augmentation de 22% depuis janvier 2020.
L’autre technique en vogue est celle du «privacy coin» (ou «pièce privée»), méthode consistant à échanger ses bitcoins contre d’autres cryptomonnaies (comme Monero ou Zcash), là aussi pour rendre l’ensemble des transactions presque impossibles à remonter. Monero est particulièrement plébiscitée, puisque 52% des individus étudiés par Chainalysis et actifs en 2023 avaient troqué une partie de leurs bitcoins contre cette autre devise (soit une hausse de 17% depuis 2020).
Comme souvent, les autorités internationales font ce qu’elles peuvent pour enrayer ce genre de pratiques. Mais le temps de prendre conscience de leur existence, puis de déployer des arsenaux juridiques et numériques pour les enrayer, les criminels sont généralement passés à autre chose. Ils ont toujours au moins une longueur d’avance et c’est visiblement parti pour durer.
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