Les investigations se poursuivent après les deux vagues d’explosions, de bipeurs et de talkies-walkies, qui ont tué 37 personnes et en ont blessé plus de 3 000 autres au Liban. Selon des sources du New York Times, les bipeurs livrés au Hezbollah ont été assemblés et piégés par des agents du renseignement israélien, via une société-écran.
«Comment ai-je pu être impliqué dans cet incident terroriste politique ?» Telle est la réaction de Hsu Ching-Kuang, président de Gold Apollo, entreprise taïwanaise dont la marque figurait sur les milliers de bipeurs qui ont simultanément explosé le 17 septembre à travers tout le Liban. Une opération, imputée à Israël par le Hezbollah et plusieurs chancelleries du Moyen-Orient, qui a tué 14 personnes et en a blessé près de 2 800 autres. Des blessés dont beaucoup ont été mutilés, ont rapporté les médias.
«Je fais ça depuis tant d’années et maintenant j’ai cette tâche», a-t-il confié à des journalistes de l’île chinoise. Des propos rapportés le 18 septembre par l’agence Bloomberg, qui dépeint les deux séries d’explosions survenues au Liban comme «l’une des plus grandes tentatives d’assassinat ciblé de l’histoire».
Selon un responsable libanais proche de l’enquête, cité par l’agence américaine, le grand nombre de blessés – notamment aux yeux, au visage et aux mains – s’expliquerait par le fait que les victimes regardaient leurs appareils au moment où est survenue cette première série d’explosions meurtrières. Comme le révélait le New York Times (NYT), quelques heures à peine après cette première séquence visant les membres du Hezbollah, les bipeurs auraient sonné «pendant plusieurs secondes», faisant apparaître un message supposément de la direction du Hezbollah, avant l’explosion.
Bipeurs piégés : la société taïwanaise aurait cédé sa licence de fabrication il y a deux ans
Selon le NYT, plus de 3 000 de ces appareils auraient «été commandés à la société Gold Apollo à Taïwan» par le parti chiite. Une affirmation depuis démentie par la société taïwanaise. «Nous ne fournissons qu’une autorisation de marque déposée et n’avons aucune implication dans la conception ou la fabrication de ce produit», a déclaré Gold Apollo dans un communiqué en date du 18 septembre, assurant que l’AR-924 était un modèle «fabriqué et vendu par BAC», et mettant en avant un «accord de coopération».
«Ce ne sont pas nos produits […] Ce ne sont pas nos produits du début à la fin», avait déclaré à la presse, plus tôt dans la journée, Hsu Ching-Kuang. Ce dernier «a déclaré qu’il avait été perplexe lorsque BAC a demandé une licence de production pour son téléavertisseur AR-924 il y a deux ans, mais a finalement accepté ce qui semblait être un accord de routine», a de son côté rapporté Bloomberg.
Quant à cette société, BAC Consulting, elle est enregistrée dans une bâtisse de deux étages en périphérie de Budapest et sa création ne remonte qu’à 2022. Mais selon la Hongrie, il s’agit d’«un intermédiaire commercial, sans site de production ou opérationnel en Hongrie» et «les appareils en question n’ont jamais été sur le sol hongrois». «Un immeuble à Paris, indiqué comme étant l’adresse du directeur général de BAC, s’est avéré être une caserne de gendarmes français», a pour sa part relaté Bloomberg.
Société-écran : un dirigeant domicilié dans une caserne de gendarmerie française
BAC serait une société-écran israélienne, a affirmé le 18 septembre le New York Times, citant trois officiers du renseignement au courant de l’opération. Selon ces derniers, deux autres sociétés-écrans auraient été créées afin de masquer l’identité des agents israéliens qui confectionnaient les bipeurs.
Toujours selon ces sources, BAC aurait bel est bien produit des bipeurs «ordinaires» pour des clients «ordinaires», mais les batteries de ceux destinés au Hezbollah ont été piégées à l’aide de PETN (Pentaerythritol Tetranitrate), un matériau hautement explosif également évoqué par Sky News Arabia.
L’enquête concernant l’origine des talkies-walkies qui ont explosé le 18 septembre a pris une tournure similaire. Après l’annonce de l’explosion d’appareils «de type Icom», la société japonaise a annoncé le 19 septembre qu’elle enquêtait «sur les faits entourant cette affaire» qui impliquerait ses appareils. Le NYT, ainsi que des médias israéliens, ont évoqué le modèle IC-V82 dans cette nouvelle attaque qui a tué cette fois 25 personnes et en a blessé «plus de 450», selon le ministère libanais de la Santé.
Quelques heures plus tard, Icom a déclaré avoir cessé de produire, depuis près de dix ans, ce modèle. «Le IC-V82 est une radio portable qui a été produite et exportée, y compris au Moyen-Orient, de 2004 à octobre 2014. Elle a été abandonnée il y a environ dix ans, et depuis lors, elle n’a pas été expédiée par notre société», a déclaré la société japonaise dans un communiqué.
Ces deux vagues d’attaques, coup sur coup, ont tué 37 personnes et en ont blessé plus de 3 000 autres. Le bilan des explosions de talkies-walkies est plus lourd du fait que ces appareils sont «plus gros», a expliqué à Al Jazeera le ministre libanais de la Santé, Firass Abiad.
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