La deuxième femme Première ministre de l’Histoire a passé 20 mois compliqués à Matignon, obligée par une majorité relative à user des 49.3 pour faire passer ses budgets… et la réforme des retraites. Coup d’œil dans le rétroviseur.
L’Histoire retiendra qu’elle a été la seconde femme de l’Histoire de la Ve République à s’installer à Matignon, après Edith Cresson en 1991. Elle est même restée deux fois plus longtemps que son aînée : 1 an, 7 mois et 23 jours, soit presque 20 mois, contre 10 mois et 18 jours pour Mme Cresson. Mais ces 602 jours ne furent pas un long fleuve tranquille pour Elisabeth Borne. Voici ce qu’il faut retenir de son passage au sommet de l’Etat. À peine nommée à Matignon le 16 mai, grillant la priorité à Catherine Wautrin dans la dernière ligne droite, Elisabeth Borne a dû conduire la campagne des législatives. Si elle-même a été élue dans sa circonscription du Calvados, le parti d’Emmanuel Macron a subi un revers. Certes, Renaissance obtient le plus grand nombre de sièges, 250, mais cette majorité relative annonce un quinquennat complexe et tendu. Première conséquence de cette majorité relative, Elisabeth Borne a dû user et abuser de l’article 49.3, pour faire passer tous les textes budgétaires. Vingt-trois fois, ce n’est pas le record de Michel Rocard (28 en trois ans), mais c’est tout de même bien plus que Raymond Barre, Jacques Chirac et Edith Creisson (8). Cela a engendré en revanche un nombre record de motions de censure. “Avec 31 motions de censure, soit plus d’un cinquième des motions déposées sous la Ve République en un an et demi, qu’ont réussi les députés censeurs ?”, a-t-elle interrogé en décembre dernier à la tribune de l’Assemblée nationale. De tous les 49.3, le plus emblématique reste évidemment celui que l’exécutif a choisi de sortir à la dernière minute pour faire adopter la très controversée réforme des retraites. Mi-mars 2023, dans la foulée de l’utilisation du 49.3 pour faire passer en force cette réforme des retraites, de nombreuses manifestations ont marqué chaque déplacement présidentiel ou ministériel. Élisabeth Borne n’échappe pas au concert de casseroles. “Je comprends que des Français veuillent exprimer leurs désaccords, mais je regrette qu’il n’y ait pas de dialogue”, exprime-t-elle sur le plateau de France 2. Une sortie forcément raillée par les oppositions, qui ont rappelé qu’elle-même a fui le débat. C’est peut-être ce qui lui a coûté son siège. Sentant le vent du boulet sur le projet de loi immigration, l’une des promesses majeures du président Macron pendant sa campagne de 2022, Elisabeth Borne reprend en main les négociations avec Les Républicains. Elle fait des concessions qui permettent d’aboutir à un texte commun. Mais une partie de son propre camp s’oppose à cette stratégie, 17 députés Renaissance s’abstiennent, 20 votent contre. C’est aux forceps, et avec le soupçon d’une loi inspirée par les thèmes favoris du Rassemblement national, que la loi est adoptée. Moins d’un mois plus tard, Emmanuel Macron demande à Mme Borne de démissionner. Emmanuel Macron a assuré un jour qu’il avait une “relation fluide” avec sa Première ministre. Pourtant, alors qu’il avait souvent affiché une proximité avec Edouard Philippe, puis Jean Castex, ses deux chefs de gouvernement du premier mandat, il n’a jamais montré une grande proximité avec Elisabeth Borne. Dans les coulisses du pouvoir, on parlait plutôt d’une relation “difficile”. À deux reprises au cours de ces 602 jours, il a d’ailleurs été question d’un possible remaniement, mais Mme Borne a toujours tenu bon. Jusqu’à ce 8 janvier…